Dans l’univers des motocyclettes d’exception, peu de noms évoquent autant de prestige et de mystique que la Brough Superior SS 100. Cette machine légendaire, conçue en 1924 par George Brough dans son atelier de Nottingham, demeure aujourd’hui encore l’incarnation absolue de l’excellence motocycliste. Surnommée le « Rolls-Royce des motocycles », cette création révolutionnaire a redéfini les standards de performance et de luxe dans le monde de la moto. Découvrons ensemble pourquoi cette machine exceptionnelle continue de fasciner collectionneurs et passionnés près d’un siècle après sa création.
L’histoire de la SS 100 débute en 1924, quand George Brough décide de créer une motocyclette qui repousserait toutes les limites connues. Après avoir quitté l’entreprise familiale pour fonder Brough Superior en 1919, cet ingénieur visionnaire avait déjà établi sa réputation avec la SS 80. Mais il souhaitait aller plus loin.
La SS 100 (Super Sports) naît de l’association entre le nouveau moteur bicylindre en V KTOR de 1000cc développé par J.A. Prestwich et un châssis inédit dérivé des machines de course de l’année précédente. Cette combinaison révolutionnaire donnait naissance à ce qui était alors reconnu comme la motocyclette de série la plus rapide au monde.
Un positionnement tarifaire d’exception
Vendue au prix de 170 livres sterling en 1925 (équivalent à 12 200 livres actuelles), la SS 100 représentait 75 à 80% du revenu annuel moyen de l’époque. Son coût équivalait littéralement à celui d’une petite maison, positionnant cette machine dans un segment ultra-premium réservé à une élite fortunée.
Caractéristiques techniques révolutionnaires de la SS 100
Ce qui distinguait véritablement la Brough Superior SS 100, c’était son approche technique innovante. George Brough avait choisi une stratégie de customisation avant la lettre, sélectionnant méticuleusement les meilleurs composants disponibles sur le marché.
Motorisation et transmission
Le cœur de la SS 100 était son moteur bicylindre en V de 1000cc développant 45 chevaux, une puissance considérable pour l’époque. De 1924 à 1936, elle était équipée du fameux moteur twin-cam KTOR de J.A. Prestwich, puis d’un moteur Matchless à partir de 1936.
La transmission s’appuyait sur une boîte de vitesses Sturmey-Archer à 3 rapports avec chaîne d’entraînement. En 1929, cette boîte fut remplacée par une version « super heavyweight » à trois vitesses, mieux adaptée aux 50 chevaux du moteur JAP.
Innovations techniques marquantes
Brough développa également des fourches inspirées de celles de Harley-Davidson, mais produites par Castle Fork and Accessory Company. Ces fourches combinaient légèreté et robustesse, devenant une signature du comportement routier exceptionnel de la SS 100.
L’introduction de la suspension arrière en 1928 et du changement de vitesse au pied en 1935 témoignaient de l’évolution constante de cette machine. En 1936, une boîte Norton à quatre rapports venait parfaire l’ensemble.
Les records et exploits sportifs de la SS 100
La réputation de la Brough Superior SS 100 ne reposait pas uniquement sur ses spécifications techniques, mais également sur ses performances en compétition. Le développement de cette machine s’enrichissait constamment grâce aux victoires remportées dans plus de 50 épreuves durant les années 1920.
Des records de vitesse exceptionnels
Bert le Vack, qui collaborait avec Brough au développement, détenait sept records mondiaux. En 1927, George Brough et Freddie Dixon atteignaient tous deux 130 mph (210 km/h) au kilomètre sur SS 100. L’année suivante, Brough battait son propre record avec 130,6 mph.
En 1939, Noel Pope établissait un record absolu sur le circuit de Brooklands avec un temps au tour de 124,51 mph (200,38 km/h) sur une SS 100, démontrant la longévité des performances de cette machine.
La garantie des 100 mph
Chaque SS 100 était livrée avec une garantie unique : elle était capable d’atteindre 100 mph (160 km/h). Cette promesse n’était pas marketing mais technique, chaque machine étant testée avant livraison pour vérifier ses performances.
T.E. Lawrence et la légende de Lawrence d’Arabie
L’histoire de la Brough Superior SS 100 est indissociable de celle de T.E. Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie. Cet officier britannique légendaire possédait successivement plusieurs Brough Superior, dont une SS 100 achetée en 1925.
Un tragique accident aux conséquences inattendues
En 1935, Lawrence trouvait la mort dans un accident sur une route étroite près de Wareham, au guidon de sa SS 100. Évitant deux cyclistes dans un creux de route, il perdait le contrôle et était projeté par-dessus le guidon. Sans casque, il subissait de graves traumatismes crâniens.
Le neurochirurgien Hugh Cairns, qui le soignait, commençait alors une longue étude sur les traumatismes crâniens des motocyclistes. Ses recherches aboutiraient à la généralisation du port du casque, sauvant finalement d’innombrables vies de motocyclistes.
Évolution et déclinaisons du modèle SS 100
George Brough encourageait chaque propriétaire à proposer ses propres idées d’amélioration, faisant de chaque SS 100 une machine pratiquement unique. Cette approche de personalisation extrême était révolutionnaire pour l’époque.
Les versions spéciales
Dès 1925, Brough lançait l’Alpine Grand Sports, une SS 100 avec spécification touring complète. La même année apparaissait le modèle Pendine Racing, capable selon les sources de 110 mph, avec une garde au sol augmentée.
En 1934, l’Alpine Grand Sports recevait un moteur JAP à soupapes en tête de 75 chevaux, surnommé « two of everything » car équipé de deux magnétos et deux pompes à huile.
La renaissance moderne : la nouvelle SS 100
En 2013, la marque Brough Superior renaissait avec l’annonce d’une nouvelle SS 100, conçue comme un hommage au 90e anniversaire du modèle mythique. Les premières livraisons débutaient en 2015.
Technologies contemporaines
Cette nouvelle interprétation adopte un moteur V-twin 88° de 997cc DOHC développant 120 chevaux, créé en collaboration avec les spécialistes français d’Akira Engineering à Bayonne. Produite dans l’usine Boxer Design d’Henriette à Toulouse, elle conserve l’approche artisanale de sa devancière.
Le châssis mélange magnesium, titane et aluminium, avec des roues en fibre de carbone et une fourche à double triangulation. Les freins Behringer, issus de l’industrie aéronautique, constituent une première mondiale avec leurs quatre disques avant.
Valeur patrimoniale et cotes exceptionnelles
Le statut de la Brough Superior SS 100 sur le marché des collectionneurs atteint des sommets vertigineux. En avril 2008, une SS 100 de 1934 était adjugée 166 500 livres chez Bonhams, établissant alors un record mondial pour une motocyclette britannique.
Records d’enchères successifs
Ce record était pulvérisé en octobre 2010 quand une SS 100 de 1929 atteignait 286 000 livres au Haynes International Motor Museum, devenant la motocyclette la plus chère jamais vendue aux enchères à cette époque.
Ces valorisations astronomiques reflètent la rareté extrême de ces machines : seulement 383 exemplaires furent produits entre 1924 et 1940, faisant de chaque SS 100 survivante un trésor inestimable.
La Brough Superior SS 100 transcende le simple statut de motocyclette pour devenir une véritable œuvre d’art mécanique. Son héritage perdure aujourd’hui, inspirant encore les constructeurs les plus prestigieux. Cette machine incarne parfaitement la quête d’excellence technique et esthétique qui caractérisait l’âge d’or de la motocyclette. Bien que de nombreux modèles modernes la surpassent en performances pures, la SS 100 conserve ce caractère intemporel qui en fait, près d’un siècle après sa création, l’une des plus belles réussites de l’ingénierie motocycliste mondiale.